(Par: moysekou, Kuwait City)
Employé dans une grande entreprise de Kuwait City, je suis amené au quotidien a côtoyer plusieurs collègues et clients de différentes nationalités ; parmi ces derniers, il m'est difficile de ne pas admirer mes collègues Irakiens ; je les admire premièrement parce qu'ils viennent toujours au travail a l'heure, parce qu'ils plaisantent souvent avec nous et surtout parce qu'ils sourient toujours…
L'Irak connait aujourd'hui une histoire décevante .Une déception qui peut se lire sur le visage de ses ressortissants. Ces collègues que je côtoie ont toujours le sourire. On peut cependant et légitimement se demander si derrière chaque sourire ne se dissimuleraient pas des sentiments semblables de tristesse; des sentiments d'anxiété, de crainte, de douleur et de survie.
Il y a peu de temps j'ai rencontré Mahmoud chez AGT. AGT est une entreprise pour laquelle j'assure la maintenance de programmes informatiques, comme par exemple Oracle App. System. Mahmoud y travaille comme vendeur. Mahmoud m'interpelle en me prêtant une identité afro-américaine qui n'est pas la mienne. Nous parlons alors de l'Afrique, de la Guinée en particulier car elle a fait la une des chaînes télé lors des massacres des manifestants qui avaient pris la rue contre la mauvaise gouvernance du pays. "Votre pays joue bien au football" me dit-il avant d'ajouter: "Pourquoi ne rentres-tu pas travailler en Guinée?". Il reconnaîtra avoir regardé un documentaire sur la Guinée à la télé. Ce documentaire faisait état de la richesse naturelle de ce pays. Je lui répondais à ma manière, par l'humour, "qu'un vieillard ne prend jamais l'os pour manger sans avoir pensé a ses incisives et qu' une pierre jetée au ciel n'y restera pas éternellement" Je rentrerai donc, inch'Allah. Il m'a rétorqué qu'il était également "une pierre dans l'air, un aventurier".
J'étais soudain déconcerté lorsque Mahmoud m'annonçait qu'il était Irakien. Comment passe-t-il sa journée? Dort-il bien? Comment va sa famille? Autant de questions qui se bousculaient dans ma tête et que je me retenais de lui poser, par souci de ne pas lui rappeler le drame que son pays vit actuellement. Pas besoin de moi pour ça. Mahmoud avait tout de suite noté mon malaise a l'évocation de se sujet et a donc sur le champ essayé de dédramatiser la situation par l'humour en se moquant de la violence, du gouvernement, des milices, des insurgés et des occupants. Aussi décidait-il de changer de sujet en me posant la question suivante: "Comment as tu pu maîtriser si bien la langue arabe? Ce fut difficile, n'est-ce pas?".
Pour moi, les personnes comme Mahmoud, ont une intuition particulière pour la vie et leurs comportements m’apprennent qu'il faut sourire à la vie. Sourire d'être en vie, d'être en bonne santé, d'avoir vu, une fois encore, le soleil se lever ou se coucher. Sourire a l'échec pour mieux repartir. Même si pour sourire, souvent, il faut être à l'aise. Il y a des moments où – quand bien même on porterait un lourd fardeau de douleur dans le cœur- il faut sourire pour faire face, pour se soulager, pour réparer, pour oublier ou pour tout simplement essayer de survivre.
Avant hier, j'ai revu Mahmoud devant AGT. A distance, je l'ai salué d'un geste. Lui m'a répondu par son sourire lumineux. La vie est dure mais plus dure pour les irakiens. Une réalité que nous suivons...dans le plus profond désespoir, une réalité qu'ils vivent...
----------- (Par: moysekou, Kuwait City, 6 Mars '07) -----------
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