Macenta
dans les décombres d’une identité confuse
On
a quelquefois le plaisir de pleurer mais la ville de Macenta, elle, est
malheureuse. L’affrontement meurtrier du weekend dernier évoque un repli
identitaire…
La ville s’est transformée en temps record, l’arène où chaque protagoniste réclame la paternité de la cité, fondée en 1850. Le bilan est déplorable : 17 morts et de nombreux blessés graves !
Dans
le camp Kourouma (et les Manias), tout comme dans l’autre camp adverse
(Koivogui et les Tomas), on se sent fier de cette bêtise qu’on vient de
commettre.
On
s'en fout, car on vit dans le bled de "wo-fatara"¹ (vous avez
bien fait)! Le pays des hyper frustrés ou les crétins sont sûrs d’eux et fiers
comme des coqs de basse-cour.
Pourtant,
dans cette ville, située à environ de 900 km de Conakry, on pensait que ce
serait tout le contraire, qu’à cause de son brassage multiethnique, les gens
s'aimeraient, se soutiendraient, échangeraient des idées intellectuelles et
humaines.
L’opportunité
de vivre ensemble …
La
vie y semble belle. On se salue, on se marie, on s’amuse ensemble. Mais, au
fond, la méfiance règne entre les cousins Toma et Mania.
Comme
si ton voisin déguisé en cambrioleur nocturne recevait ta boule de pétanque
dans le dos, et qu'il sait indéniablement que tu en es le lanceur.
Tôt
ou tard, il se vengera ! Un voisinage hétérodoxe où chacun reste sur ses
gardes, nuit et jour! Ce sont des scénarios envisageables si rien n’est
fait dans la prise de conscience collective.
Le
Satan a envouté la ville
Le
weekend dernier, la tension est montée d’un cran dans la ville de
Macenta comme si les idées maléfiques avaient investi les humains.
En
si peu de temps, la ville est devenue dingue et les habitants n’ont eu aucun
recul à se faire du mal pour après pleurnicher et regretter les pots
cassés.
La
ville des Fatô, en vrai, c’est la ville de Massa (ou Macenta) des
ethnies Toma et Mania car, désormais elle mérite d'être – officieusement –
rebaptisée. Puisque, parfois, ses habitants deviennent de véritables fous
furieux rivalisant d’inventivité et de démesure pour se détester, se regarder
en chiens de faïence pour des raisons inavouées ou ignafognable (inexplicables).
Les
mots dans les maux
Simplement,
parce que chaque camp doute de la véracité des arguments de l’autre. Et
cela s'empira progressivement par le fait que, ici et presque partout en
Guinée, il manque un truc important : donner son avis et accepter celui de
l’autre.
C’est
navrant de constater que l’autre a tort. Oui mais le lui dire, ou l’attaquer
physiquement, c’est devenir à son tour une personne enflée de certitudes, une
personne… qui ne doute pas, qui n’accepte pas d'être contredite.
Douter, bien sûr on en veut. Plus souvent d’ailleurs. Mais parfois, il y a des choses qu’on ne peut pas laisser faire. Qu’on ne peut pas exécuter simplement en se basant sur des rumeurs, sur des arguments décousus et en continuant de touiller dans son café ou dans son bandji (vin de palme).
Cette
attitude les a poussés à réveiller leurs fusils de chasse, machettes et flèches
qui dormaient sous le lit et aux greniers. Et, tra-la-la... des étincelles
par-ci, du sang par-là.
La
haine viscérale…
Dans
les délires tous les faits et gestes sont prémédités… On grimpe à l’arbre
ou l’escalier vers le balcon, tremblotant de haine, on vise droit, vers les
logis du fond où vivent des familles de leurs cousins lointains, de
l'autre ethnie! On fait des dégâts. On en rigole. On se congratule.
On
imagine les propriétaires, sanglotant, s’arrachant les cheveux. Et on crie «
Yes ! Yes ! » en serrant le poing. Parfois, on tire en l'air, on mitraille
aveuglément dans les quartiers des autres, qu’on déteste
viscéralement.
On
est sûr qu’ils diront que c’est l’effet de balle perdue qui, en réalité, ne se
perd jamais! Elle fait des victimes, elle tue des innocent(e)s. Elle fait de la
folie pure et simple. Et basta.
La rançon du mensonge…
Mais,
doit-on tuer l’autre à cause de ses doutes ou anxiétés ? Les doutes, on en
compte à la pelle. Nombreuses sont les aberrations, supputations ou idioties
auxquelles il est presqu’impossible d'apporter de réponses factuelles ou de
convaincre ceux qui en doutent: “La vraie tombe de Sékou Touré ne se trouve pas
en Guinée". “Toumba Diakité, après avoir tiré sur Moussa Dadis, s'est
transformé en chat noir pour s’en fuir”. “Le Syli national a vendu “sa” Coupe
d’Afrique aux Marocains en finale en 1976”. “Le masque ne sert à rien". Et
l’indétrônable « C’était mieux avant », et après ? Ça rapporte quoi même ?
La
confusion qui embrase…
Qui
a fondé Massa-ta (ville de Massa) ? Est-ce Massa Koivogui (la
version la plus connue de nous tous) ou Massa Soni Tenin
Bakary Kourouma (la version clamée par la famille Kourouma) ?
Qui
l’a écrit Macenta afin d’y ajouter une dose de confusion? Et,
cette guéguerre change quoi concrètement pour une préfecture
amadouée par les promesses non-tenues d’Alpha Condé ?
Sous
d’autres cieux, on pleure de n’avoir pas pu développer sa région, la rendre
propre, attrayante, hospitalière et productive. Ici, on préfère laisser le vent
gémir, le flot murmurer. Cette cité longiligne entre deux collines, jadis
cafetière nationale, est aujourd’hui engloutie dans la boue², sans routes
bitumées, sans eaux potables, sans distribution d’électricité régulière, ni
d'opportunités pour ses jeunes, ne fait plus rêver. Elle fait plutôt
pleurer. On n’y réfléchit plus….
Sinon,
avant de s’entredéchirer, ne fallait-il pas se demander: Serait-il plus profitable
d'être descendant(e) du fondateur d’une ville dans un pays où l'imam et
l'évêque n’ont pas de salaires ?
L’Etat
guinéen dans tout ça
Quel
Etat ? Au pays de ’’wo-fatara’’, c’est la loi de la jungle qui prédomine,
malheureusement. L’Etat ouvrira un semblant dossier d’enquête judiciaire sans
suite, comme d’habitude. Comme à Zogota, comme à Koyama, à Nzérékoré, Bambeto,
Koza, Dixinn … etc.
Souvent,
ce qui fait du bien, ce n’est pas habiter la ville, mais l’accrocher, la vivre
pleinement, la sentir et savoir qu’en cas de besoin, il suffit de s’approcher
d’un(e) concitoyen(ne) pour s’en sortir.
Tandis
qu’à Macenta, qui a longtemps été la base cachée des combattants Ulimo
libériens³, on préfère se rebeller, se révolter, se massacrer
sauvagement.
Rebelle
un jour, parait-il, rebelle toujours! Mais, de grâce, rebellez-vous pour des
trucs utiles. Car, quand le cerveau est malade, le corps souffre, la cité
brûle !
—Moysekou,
Consultant IT, Waterloo, Belgique, me@moysekou.com — 01/01/2021 @19:49 —
¹) Propos de l’ancien chef d’Etat
guinéen, Lansana Conté.
²) Une ville dans la boue de Zazazia, la rivière dont la crue cause
chaque année des inondations et plusieurs dégâts.
³) Groupe rebelle ULIMO du Liberia, alors soutenu
officieusement par les autorités de Conakry, dans les années 2000.
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