C'est une déforestation malheureuse qui a tué mes parents et m'a obligé à fuir sans vraiment savoir où aller. J'ai erré un peu partout, orphelin et consterné, avant de m'installer dans un endroit splendide, sur ce territoire verdâtre où les habitants utilisent rarement des lance-pierres de chasse pour commettre l'irréparable.
Et c'est dans une plantation de café de ce magnifique pays, à Macenta, que j'ai vu Aïcha pour la première fois – elle y travaillait et cueillait des fruits –. Je me suis assis tranquillement sur une branche, me reposant, et je me suis demandé ce que faisaient ces humains, transpirant sous un soleil de plomb.
C'est ainsi qu'Aïcha a ressenti ma présence. Elle m'a salué, poliment, en se baissant un peu, les mains jointes au niveau du cœur en signe de respect, voire d'union, de considération pour les ainés selon la tradition de ces régions. C'est le geste de celui qui rassemble tout ce qu'il est dans une attitude paisible. C'est aussi celle de la supplication confiante, dans laquelle l'Homme se confie à Dieu. En effet, la main est ce que l'être humain transforme la nature avec, en créant au gré de son ingéniosité. Avec ses cinq doigts, il peut saisir l'outil et le manier avec dextérité. C'est aussi avec la main qu'il touche et entre ainsi en contact avec la matière. Lorsque les mains sont jointes, c'est un geste fraternel de salutation. Alors quand ils se joignent, ils deviennent prière.
Ensuite, Aïcha m'a parlé comme si nous nous étions connues auparavant. Elle m'a dit : "Tanã tê ?" J'ai répété la même chose. L'expression Konianké "Tanã tê" est à la fois une salutation et une réponse, selon le ton qui l'accompagne. Cela signifie à la fois (Comment allez-vous ?) et (Je vais bien). Il prend aussi le sens de Hakuna matata (Il n'y a pas de soucis) du Swahili, parlé dans les pays de la Corne de l'Afrique.
Surprise d'entendre ma réponse, Aïcha cria : "Perroquet ?", "Es-tu un perroquet ?", "À l'école, j'ai appris que le perroquet est le seul oiseau capable de parler." "Quel plaisir de te rencontrer !"
En nous regardant, j'ai tout de suite ressenti quelque chose d'inexplicable, comme si notre rencontre inattendue était prédestinée, comme si nous devions faire notre chemin ensemble, comme si nous étions les enfants de la même mère.
Et quand elle a voulu s'approcher de moi, je n'ai ressenti ni peur ni envie de m'envoler. Elle s'est arrêtée à proximité et m'a tendu le bras, le poing tourné vers le sol, me faisant signe d'atterrir dessus. J'ai performé sans crainte. Puis j'ai trotté doucement en grimpant vers son épaule, sans battre des ailes. Elle souriait, elle était heureuse, respirant fortement de joie. Elle avait l'air de n'avoir jamais été aussi heureuse.
Ainsi, une nouvelle amitié venait de se nouer ou plutôt, je venais d’appartenir à une nouvelle famille.
NB. : Ce texte est une fiction écrite hâtivement, apres une seance de théâtre improvisée avec ma fille, Aïcha (10 ans). J’étais le perroquet !