Pendant son week-end de repos, Momo a couru et s'est étiré, puis s'est appuyé contre le manguier dans la cour de sa maison pour se reposer.
Fervent fan de reggae, ce journaliste chevronné adore ça sans comprendre l'anglais. Il préfère ressentir l'esprit, même sans comprendre la langue ou la culture. Lorsqu'il entend certains sons, il ferme les yeux pour être transporté.
"Si tu vois (le) poisson sortir de l'eau, c'est qu’en bas c’est chaud", fredonnait Serge Kassy, un rastaman ivoirien, dont le morceau passait à la radio. Momo secoua lentement la tête, puis plongea dans ses rêves avant de s'endormir profondément. Il a fait un rêve qui l'a conduit au cabinet du Premier ministre de la République bananière en tant que mystérieux enquêteur sur des détournements de fonds présumés qui n'ont jamais été élucidés.
"Trop de mauvais cuisiniers peuvent parfois nuire à la réputation du restaurant", lui dit un compatriote déçu. "Idem pour notre Primature." Dans cette mission que lui suggéraient certains diplômés sans emploi, le défi de Momo était de réussir en se posant de plus en plus de questions et en découvrant ce qui se passait dans les coulisses. Des requins nageaient en eaux troubles autour du "boss", le Premier ministre (PM). Une rivalité de plus en plus intense existe entre les plus proches collaborateurs du « patron » et les nouveaux venus de la dernière pluie. D'un côté, des journalistes débutants, rompus à l'éloge du PM et prêts à tout pour s'imposer. D'autre part, les journalistes professionnels travaillent dur pour maintenir l'image respectueuse qu'ils ont construite avec le public au fil des ans. Ces derniers ne veulent pas être associés à l'image réductrice d'un département ministériel où tout tourne autour de l'argent et du pouvoir.
Dans cette ambiance déplaisante, Momo a cessé de vouloir se conformer à ses "pairs", qui soutenaient un monde administratif corrompu et ingrat où régnaient l'argent et le pouvoir. Il avait la vision d'être un innovateur, de révolutionner et de découvrir de nouvelles méthodes de communication qui pourraient résoudre les problèmes les plus urgents. Pour Momo, diriger ne consiste pas à dominer les autres, mais plutôt à découvrir l'épanouissement de chacun.
Mais, les temps sont durs et les citoyens de la république bananière semblent avoir perdu patience pendant la longue lune de miel qu'ils ont offerte aux nouvelles autorités du pays. Cette période d'observation devait permettre au gouvernement en exercice de prendre pied avant de commencer à lui donner du fil à retordre. Les citoyens sont maintenant déterminés à descendre dans la rue pour protester contre le coût élevé de la vie, les impôts et autres griefs économiques.
D'ailleurs que sont devenues les promesses électorales de grands projets futuristes ? Que s'est-il passé après l'élection ? Rien. Nothing. Du pipeau.
Tandis que sous le soleil envoûtant du ministère des Grands travaux, il est difficile de regretter le passé.
Cependant, le prochain forum économique international approche à grands pas ; un événement marquant qui se tiendra à l'extérieur, dans le pays où vit la fiancée de Momo, le jeune célibataire. Ils ne se sont pas vus depuis des mois. Comment peut-il s'assurer d'être retenu parmi ceux qui accompagneront le Premier ministre lors de ce prestigieux voyage ? Quel dilemme !
C'est alors que Momo sentit une tape sur son épaule. C'était sa femme, la mère de ses trois (3) enfants, qui venait de le réveiller pour qu'il puisse lui donner les dépenses quotidiennes. "Hé Wotan ! On ne peut même pas se reposer dans ce pays !" dit-il désespérément.
"Ici, il n'y a que dans le rêve qu'on se sent à l'aise !" a-t-il conclu.